Déjouer le piège
La chronique de la violence occupe l’essentiel de l’actualité médiatique. Jour après jour, les opérations commandos de policiers en tenue de guerre se succèdent dans le quartier grenoblois de la Villeneuve, dont la plupart des Français, hors du département de l’Isère, ignoraient il y a peu de temps jusqu’à l’existence. Mais depuis quelques jours ils ont l’impression d’avoir toujours connu « ce repère de voyous ». Le choix des termes est important dans la propagande. Hier, au micro de France Inter, un responsable d’Alliance, qui s’exprimait davantage comme un porte-parole de Brice Hortefeux que comme le syndicaliste qu’il est censé être, martelait ce mot « voyou » pour désigner coupables ou innocents, jeunes en galère, immigrés. Tous présumés coupables, comme dit le locataire de la Place Beauvau à propos de ce commerçant de Nantes, qu’on avait fini par oublier et qui revient à point nommé sous les feux de l’actualité pour la promotion du projet de déchéance de nationalité… Tout ce scénario bien ordonné n’autorise pas le doute. Une grave manipulation est à l’œuvre qui empoisonne le climat politique et vise à créer des divisions chez tous ceux qui souffrent, là où l’union et la solidarité sont plus nécessaires que jamais.
Le quartier de la Villeneuve, que nous présentons dans ce numéro, est sensiblement différent de la caricature humiliante et méprisante en vogue depuis que le président de la République est venu lancer ses anathèmes contre les « étrangers » et les « voyous ». C’est un quartier populaire, où rayonne une vie associative. On y rencontre de la douleur et de la colère mais une constatation s’impose : nul ne saurait nier l’existence d’une frange qui s’affranchit des lois et des règles du vivre ensemble, mais la plus grave cause de souffrance à la Villeneuve, ce n’est pas le grand banditisme, c’est le chômage. Ce n’est pas pécher par angélisme ni faire partie de ceux qui « excusent » que de refuser de laisser pervertir le débat politique dans la surenchère et l’exploitation politicienne de la peur par un gouvernement qui a réduit le nombre de policiers, mais aussi d’enseignants, d’éducateurs, de magistrats.
La gauche évitera le piège que lui tend le premier cercle du sarkozysme si elle impose le débat sur la question sociale et si, parallèlement, elle mène une offensive contre la dérive antirépublicaine.