Gouvernement : multiplication des couacs avant remaniement

Publié le par jack palmer

Decryptage

Chacun des ministres joue des coudes pour garder sa place ou monter en grade, quitte à bafouer la solidarité gouvernementale.

Membres du gouvernement (Audrey Cerdan/Rue89 et Reuters)

Des remaniements au gouvernement? "Ils n'arrivent jamais quand la presse les attend et les commente", affirmait François Fillon le 18 décembre. Avant d'être contredit dès le lendemain par le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant: "Il y aura un ajustement en janvier."

C'est loin d'être le seul couac au sein du pouvoir exécutif ces dernières semaines. Elections européennes et changement de direction à l'UMP obligent, les changements devraient être plus importants que prévu. Et l'ambiance au sein du gouvernement s'en ressent. Florilège.

Boutin n'ira pas seule en prison

Rachida Dati ne garde pas que les sceaux, elle veille aussi à conserver son pré carré. Christine Boutin souhaitait mardi se rendre au centre de détention de Nantes pour y présenter son futur dispositif expérimental d'aide au logement pour les ex-détenus. Eh bien la ministre du Logement devra attendre la rentrée, rapporte Libération.

Hors de question pour la ministre de la Justice de laisser le champ libre à sa collègue en charge du Logement, qui lorgne de plus en plus sur la place Vendôme. Rachida Dati "ne souhaitait apparemment pas que cela se fasse sans elle", explique au quotidien l'entourage de Christine Boutin, qui n'a pas voulu faire enfler la polémique: "La ministre ne veut pas de couac. On prend acte, on fait jouer la solidarité gouvernementale."

Kouchner confesse son "erreur"

Le ministre des Affaires étrangères a inventé le mea culpa déguisé. "Je pense que j'ai eu tort de demander un secrétariat d'Etat aux droits de l'Homme. C'est une erreur. Car il y a contradiction permanente entre les droits de l'Homme et la politique étrangère d'un Etat, même en France", a-t-il confié le 10 décembre dans une interview au Parisien. V'lan pour sa secrétaire d'Etat aux Droits de l'homme!

Bernard Kouchner a eu beau poursuivre en précisant qu'il ne visait pas personnellement Rama Yade, qui a fait "avec talent, ce qu'elle a pu". Et tenter de marteler quelques heures plus tard, à la sortie du Conseil des ministres: "Je fais amende honorable sur le fond, pas sur Rama Yade." (Ecouter le son)



Mais rien n'y a Fait. L'intéressée elle-même s'est sentie visée. Et a tenu à faire une mise au point dans la journée, lors d'un discours au Quai d’Orsay pour la remise du Prix des droits de l’homme de la République française:

"Vous en trouverez toujours pour renoncer à ce beau combat. Ceux-là ont le droit d'être dans le renoncement, je suis prête avec vous à reprendre le flambeau."


Dati responsable médiatiquement

Des mineurs responsables pénalement dès l'âge de 12 ans? Rachida Dati s'y est déclarée favorable, à l'occasion de lors de la remise d'un rapport sur la réforme de la justice des mineurs, le 3 décembre:

"Ce serait une innovation importante dans notre droit, elle mérite d'être examinée avec beaucoup d'attention. Dire qu'un mineur d'aujourd'hui peut justifier une sanction pénale à partir de douze ans me semble simplement correspondre au bon sens."

Irritation immédiate, jusque dans les rangs du gouvernement. Roselyne Bachelot, d'abord. La ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports se dit sur LCI "évidemment extrêmement réservée sur une mesure comme celle-ci". (Voir la vidéo)



François Fillon, ensuite. Le Premier ministre est lui "totalement hostile à la prison" pour les mineurs de douze ans. Et de trancher: "Le gouvernement n'a aucun projet en ce sens." (Voir la vidéo de BFMTV captée par LePost.fr)




Hirsch coupe la parole à Sarkozy

Martin Hirsch ne veut plus s'en laisser compter. A moitié satisfait des crédits alloués pour le RSA, le haut commissaire aux Solidarités actives y va désormais aux forceps pour s'imposer. Lors d'une table ronde sur la lutte contre la grande pauvreté à Compiègne, le 3 décembre, il n'a pas hésité à interrompre Nicolas Sarkozy. Hors de question de laisser le sujet du crédit à la consommation à la seule ministre de l'Economie.

"On laisse Christine Lagarde toute seule ou tu es d'accord que j'intervienne sur ce sujet?" Difficile de faire plus direct. Réponse évidemment consensuelle du chef de l'Etat, qui accepte son "oeil social", mais qui a du mal à dissimuler son étonnement, voire son agacement, jusqu'à en faire tomber son stylo. (Voir la vidéo)




Sarkozy soigne Libé, pas ses ministres

L'ancien directeur de la publication de Libération, Vittorio de Filippis, violemment interpellé à son domicile le 28 novembre pour des simples faits de diffamation? Une procédure "tout à fait régulière" pour Rachida Dati. "La police avait suivi les procédures", lui emboîte le pas Michèle Alliot-Marie.

Mais voilà, l'affaire fait grand bruit. Alors Nicolas Sarkozy adopte une posture tout autre dans un communiqué, et affirme "comprendre l'émoi suscité". Laurent Joffrin, directeur de Libération, ne peut qu'être "satisfait" que le chef de l'Etat ait "contredit en deux phrases sa ministre de la Justice et sa ministre de l'Intérieur".

D'autant que François Fillon va même plus loin à l'Assemblée nationale en se disant "choqué" par cette arrestation. Pas évident ensuite pour Rachida Dati de lui succéder à la tribune. (Voir la vidéo de LCI)




Boutin habillée pour l'hiver

"Le gouvernement s'engage aujourd'hui à lancer une étude, de façon à ce qu'on examine l'hébergement obligatoire des sans-abri lorsqu'on sera en dessous de moins six degrés." Christine Boutin ne le savait pas encore, mais en faisant cette annonce le 26 novembre dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, elle allait créer la polémique.

François Fillon lui a alors asséné un "pas question", censé clore le débat... qui n'a en fait été que ravivé, Nicolas Sarkozy étant soupçonné d'être à l'origine de la proposition de la ministre du Logement, notamment pour avoir déclaré en Conseil des ministres que le gouvernement avait "le devoir et la responsabilité de ne pas laisser mourir" les SDF de froid. Le Président s'est donc fendu d'une mise au point, contredisant ainsi une seconde fois Christine Boutin:

"Je propose que cette personne-là [un SDF, ndlr], on lui donne à manger, on lui propose de la soigner, on lui permette de prendre une douche ou un bain, on lui montre la chambre ou le lit qu'on lui propose. Si elle n'en veut pas, elle s'en va, elle reprend la rue, c'est le respect de la dignité de la personne."

Et comme si Christine Boutin n'avait pas compris, Martin Hirsch a mis la dernière couche, déclarant qu'une "personne SDF doit pouvoir se prévaloir d'un refus éclairé". Ambiance.

Publié dans Société Politique

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