Vœux à la presse : Discours de Pierre Laurent

Publié le par jack palmer

Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,

Je veux d'abord vous dire tout mon plaisir de vous accueillir au siège national du Parti communiste français pour vous présenter à vous ainsi qu'à vos proches tous mes vœux de bonheur, de santé et de réussite pour l'année qui s'ouvre.

Avant de commencer, une précision technique. Le service communication du Parti communiste ayant offert depuis le début de l'année à près d'un million d'internautes le plaisir d'une franche partie de rigolade avec les vrais-faux vœux de Nicolas Sarkozy, je voudrais vous préciser, pour éviter toute confusion, que vous allez assister aux vrais vœux de Pierre Laurent et du Parti communiste.

A ce propos, et pour éviter à nouveau toute méprise, je voudrais également vous indiquer que la direction nationale du Parti communiste n'a pas inscrit la date de l'enterrement du PCF à son agenda 2011. Si certains d'entre-vous l'avaient fait, ils ont donc une journée de libre supplémentaire dans l'année. C'est la première bonne nouvelle que je voulais vous annoncer.Décidément très attentionné à votre égard, je voudrais ajouter à l'adresse de ceux qui pensent que j'ai déjà remis les clés du Parti communiste à Jean-Luc Mélenchon ou que je m'apprête signer la mort du PCF, qu'ils feraient mieux de ranger cette fable aux oubliettes. Faute de quoi, je leur rappelle qu'en criant au loup trop souvent, on finit par perdre toute crédibilité. Ce qui, vous en conviendrez, pour un journaliste comme pour un responsable politique, est un sérieux problème.

Je souhaite d'ailleurs faciliter le travail à ceux qui persisteraient inutilement en leur rappelant une chose : ils ont déjà enterré le Parti communiste au précédent congrès lorsque j'ai succédé à Marie-George Buffet au secrétariat national. Les adhérents ont eux-mêmes ratifié la stratégie du Front de gauche qui est censé organiser cet assassinat. Pas la peine donc de vous y échiner.Bien, trêve de plaisanterie, comme vous le voyez, tout cela n'est pas très sérieux.

Le Parti communiste est en pleine vitalité, en plein renouveau, 6.000 adhérents nous ont rejoint en 2010, dont 50% de moins de trente ans et un tiers dans le mouvement des retraites. Il vient également de réunir dans une ambiance très combative plus de six cents de ses animateurs de section le weekend dernier. 

Ce point étant clarifié entre nous, permettez-moi d'entrer dans le vif du sujet.J'espérais ne pas avoir à citer leurs noms en ce début d'année tant leur enlèvement nous touche et entâche la liberté de la presse. Stéphane Taponier, Hervé Ghesquière et leurs trois accompagnateurs afghans sont pourtant toujours retenus en otage, depuis maintenant 378 jours. Et la récente mort de nos deux jeunes compatriotes enlevés à Niamey est un drame terrible qui vient nous rappeler l'urgence de la libération de tous les otages français dans le monde. L'État doit prendre ses responsabilités en mettant tout en œuvre pour les sortir de là au plus vite. Il doit mettre pour cela un terme aux logiques de guerre, notamment en Afghanistan.C'est la paix que nous voulons. La paix et la coopération. La paix en Afghanistan, en Irak, en Palestine, dans le Maghreb, en Côte d'Ivoire et dans toute l'Afrique, la paix partout dans le monde.

Je veux ici rendre hommage aux jeunes de Gaza, et à leurs amis israéliens, souvent de jeunes soldats de l'armée d'occupation, et qui, fin décembre, criaient leur rage et leur envie de paix dans un manifeste. A toutes et à tous, je dis ici : salut et fraternité ! Ce cri d'une jeunesse que l'on sacrifie résonne aussi en ce début d'année en Algérie et en Tunisie. J'étais hier soir aux côtés des démocrates tunisiens qui se rassemblent désormais régulièrement devant la Fontaine des Innocents à Paris. Oui, la grande majorité des jeunes de ces pays n'en peuvent plus de ces régimes qui ne leur offrent que le chômage, la vie chère, l'autoritarisme et la corruption. Les progressistes de la région peuvent compter sur le PCF. Nous exigeons du gouvernement français qu'il cesse sa complicité avec le régime de Ben Ali.

Aux peuples du monde qui exigent la justice, le développement partagé, la liberté et la démocratie, les dirigeants capitalistes se montrent bien incapables de répondre. La réalité, c'est même qu'en ce début d'année 2011, ils se lancent dans une fuite en avant plus dangereuse que jamais, aggravent les politiques de crise et renforcent leur autoritarisme pour les faire accepter.

C'est d'ailleurs pour dissimuler aux peuples cette volonté de faire payer le plus grand nombre pour servir les intérêts d'une minorité que les attaques contre la liberté de la presse se multiplient jour après jour partout dans le monde.La décision prise par le gouvernement hongrois de maintenir une loi de censure des médias dans le pays alors même que la Hongrie vient de prendre ses fonctions à la Présidence de l'Union européenne est tout simplement inadmissible. Tout comme est inadmissible le peu de détermination des dirigeants des autres pays européens à condamner une telle initiative. 

Un climat des plus nauséabonds a continué de régner en 2010 autour des médias en Europe et il ne s'est pas arrêté, loin de là, à la frontière française. Les rachats et les concentrations continuent en tous sens, faisant chaque fois reculer l'indépendance des rédactions. Les tentations de contrôle de l'Élysée se sont encore renforcées. Le rapport Cardoso qui propose à l'État de réduire ses aides en les rassemblant dans un fonds unique, les importantes baisses décidées tant du « programme presse » que des aides directes dans la loi de finance 2011... tout cela menace plus que jamais le pluralisme, l'indépendance des médias et bien sûr de nombreux emplois.

Le renforcement des liens entre médias, pouvoir politique et forces de l'argent a considérablement accru la défiance vis-à-vis de l'information elle-même.Je vous sais très sensibles à cette question. L'enjeu démocratique est considérable.Un nombre grandissant de nos concitoyens constatent que les urgences populaires qui les tenaillent sont ignorées. Le débat public leur paraît confisqué, verrouillé, interdit à toute remise en cause du système.Quand la machine médiatique s'emballe au point de laisser à penser que le débat sur les 35 heures qui diviserait la société française est celui qui oppose Manuel Valls à l'UMP, on court à la catastrophe.

Rendez-vous compte qu'alors des millions de nos concitoyens, de syndicalistes, se sentent floués, humiliés, niés.Oui, de tels épisodes discréditent la gauche qui se prêterait au jeu, mais aussi les médias qui alimenteraient cette machine infernale.

Je compte donc sur vous en 2011 - et je vous rappelle que vous avez une dette envers moi au vu de votre prestation en 2010- pour donner enfin la place attendue aux aspirations citoyennes et populaires.

Plus sérieusement, votre rôle est plus important que jamais : dans la situation de crise que connaît notre pays, on ne sait pas à quelle impasse tragique mènerait notre peuple une année supplémentaire sous le régime du spectacle des ambitions personnelles. Au contraire, en redonnant aux Françaises et aux Français l'envie de se mêler du débat politique, vous pouvez contribuer à faire des deux années qui s'ouvrent des années de sursauts politique et démocratique. Pour nous 2011 ne sera pas une année blanche, une année d'attente avant 2012. Trop de nos concitoyens souffrent des choix politiques de Nicolas Sarkozy, qui sacrifient tout aux intérêts des marchés financiers.

Je le redis avec force : messieurs les profiteurs, le Parti communiste français, ne vous laissera pas un seul instant de répit en 2011 pour accomplir votre sale besogne. Nous ne pouvons pas par exemple accepter que dans le silence et l'indifférence générale, les groupes du CAC 40 annoncent que plus de 43 milliards d'euros auront été distribués à leurs actionnaires en 2010. C'est un hold-up indécent, un détournement de richesse caractérisé. Nous exigeons que cet argent revienne aux travailleurs et à leurs familles. Un relèvement immédiat et substantiel des salaires doit être financé par ces profits. Un prélèvement exceptionnel sur ces capitaux pourrait par ailleurs financer dans chaque région des fonds pour l'emploi et la formation contre le chômage et la précarité.De la même manière, nous ne pouvons pas accepter que le gouvernement français en se pliant aux exigences de l'Allemagne d'Angela Merkel, continue d'entraîner l'Europe dans une politique de régression catastrophique. Le Mécanisme européen de stabilité - MES - décidé en décembre à Bruxelles (soi dit entre-nous il devient possible de changer les traités !) est un mécanisme de sanction contre les peuples, un mécanisme égoïste au service de la loi du plus fort, qui va tuer toute idée de coopération entre les peuples européens. Nous allons au contraire, avec le Parti de la gauche européenne (PGE) que je préside désormais lancer une bataille à l'échelle du continent pour la création d'un fonds européen de développement social abondé par une taxation des transactions financières et par la création monétaire d'une BCE démocratisée.

Nous serons aussi au côté de chaque femme, de chaque homme en difficulté pour combattre la résignation, les tentatives de division et les idées xénophobes qui cherchent à prospérer sur la souffrance sociale. Nous ne laisserons pas le Front national gagner du terrain en changeant de visage pour faire croire aux travailleurs qu'il serait de leur côté. Interrogez donc Madame Le Pen sur ses propositions pour les retraites, les 35 heures et vous verrez qu'elle veut leur suppression pure et simple ! La politique de Marine Le Pen, c'est la politique de Nicolas Sarkozy poussée jusqu'au bout et je vous annonce que je me rendrais jeudi 13 dans le Pas-de-Calais pour dénoncer la sombre opération marketing du père et de la fille Le Pen organisée avec le soutien d'un battage médiatique irresponsable.

Oui, nous allons construire des fronts de résistances et de luttes progressistes partout. Partout nous porterons l'indignation. Partout nous porterons l'espoir. Oui, messieurs les profiteurs, partout nous serons aux côtés des populations, debout et solidaires contre la crise !Pas une attaque sur le temps de travail, sur le statut des fonctionnaires, contre les services publics, sur la prise en charge de la dépendance ou sur la fiscalité ne se fera sans que nous organisions la riposte avec notre peuple comme nous l'avons fait lors du mouvement contre la réforme des retraites.

Aux élections cantonales, nous ferons tout pour contrer la volonté de la droite de liquider les politiques publiques au plan départemental. Nous allons présenter des candidat-es dans la quasi-totalité des 1942 cantons pour réélire les 104 conseillers généraux communistes sortants et en gagner d'autres avec le Front de gauche afin de constituer des majorités de gauche combatives qui permettent réellement de changer la vie de nos concitoyens.

Je veux redire ici à nos partenaires socialistes et écologistes que, dans l'intérêt des populations, nous n'accepterons pas qu'ils jouent contre le camp de la gauche comme ils s'apprêtent à le faire dans le Val-de-Marne contre la remarquable présidence conduite par Christian Favier, ou à le poursuivre en Seine-Saint-Denis. Quant à nous, aux élections sénatoriales, nous ferons également tout pour que la gauche rassemblée remporte une victoire historique en faisant basculer le Sénat à gauche ! Nous, nous ne jouerons jamais contre le camp de la gauche !

C'est pour cela qu'avec nos partenaires du Front de Gauche, nous allons plus que jamais agir pour rendre la parole au peuple, lui redonner l'espace et le pouvoir de construire le projet collectif qui répondra à ses attentes. Nous voulons faire sauter les interdits et les dogmes capitalistes, qui verrouillent déjà le débat pré-présidentiel tel qu'on veut nous l'imposer.Le Front de gauche est l'énergie positive qui fait défaut à la gauche, la force de l’espoir, celle qui propose d’additionner et non de diviser les énergies disponibles à gauche.

A toutes les femmes et les hommes de gauche, nous disons : travaillez avec nous pour les échéances de 2012 à un programme populaire et partagé utile pour la gauche, plutôt que de vous morfondre devant le spectacle de la querelle des egos.Notre direction nationale vient de se donner en ce sens une feuille de route pour le semestre.

Nous avons décidé d'amplifier dès maintenant le débat dans le Parti communiste et avec nos partenaires sur le contrat politique qui permettrait la candidature commune du Front de gauche en 2012 que nous appelons de nos vœux.

Le temps de décisions sur les candidatures viendra au second trimestre 2011. Une conférence nationale se tiendra les 4 et 5 juin prochains, avec pour ordre du jour nos choix politiques et de candidatures pour 2012. Un conseil national se réunira les 8 et 9 avril pour lancer, en connaissance de toutes les candidatures soumises à la discussion des communistes, la préparation de la conférence nationale.

Dès aujourd'hui, nos responsables de sections réunis le weekend dernier se lancent dans l'animation de ce débat. Cet après-midi, j'écrirai à nos partenaires du Front de gauche pour leur dire que nous voulons travailler sans attendre à quatre questions essentielles :

  1. Un texte d’orientation fixant les ambitions politiques du Front de gauche pour 2012 : pour nous, l’objectif est de battre Nicolas Sarkozy et sa majorité. Pas d'ambiguïté possible : s'il y a une personne à licencier en 2012, c'est bien le Président de la République ! L'objectif est de faire gagner la gauche, ancrer son projet à gauche, permettre la mise œuvre de grandes transformations sociales par une nouvelle majorité  politique de gauche, dans laquelle les idées et les propositions portées par le Front de gauche, son poids électoral, le nombre de ses députés, notamment communistes, pèsent le plus possible.
  2. Un programme populaire et partagé. Comme vous le savez, le travail est engagé dans tout le pays pour cela.
  3. Une campagne qui repose sur l’élargissement populaire et citoyen du Front de gauche avec un dispositif collectif qui récuse la personnalisation présidentialiste, soit à l’image de la pratique politique que nous voulons, fasse vivre la diversité de la démarche engagée, en garantisse les objectifs politiques.
  4. Un cadre commun pour les élections législatives qui doivent être menées de pair pour rendre clairement visible le sens de notre bataille pour une nouvelle majorité politique.

Notre position est donc claire : nous mettrons tout en œuvre pour parvenir à un accord sur des candidatures communes des forces du Front de gauche mais cet accord ne pourra se conclure que sur un tel contrat politique.Inutile de me poser la question, mais je sais que vous êtes incorrigibles, sur la candidature. Viendra le temps du choix. D'ici là les candidatures d'André Chassaigne, qui mène un travail remarquable pour porter notre conception du Front de gauche, et celle de Jean-Luc Mélenchon seront discutées. Le PCF mènera ce débat tranquillement. Ce qui est certain, c'est que la solution sera collective et devra respecter la place du Parti communiste.

Je le redis clairement : l'effacement du PCF serait l'affaissement assuré du Front de Gauche.Je vous renouvelle à toutes et à tous mes vœux de plein succès pour cette année 2011 et vous remercie.


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