Préparer l'après-Sarkozy par François Ruffin

Publié le par jack palmer

 

DSK-SARKO

http://www.fakirpresse.info/articles/367/preparer-l-apres-sarkozy.html

 

« La droite se décompose autour de Sarkozy… sa présence à l’Elysée empêche son camp de se trouver un champion éligible en 2012… si Sarkozy garde ses partisans, ils ne sont plus les plus nombreux…un président, qui dans l’esprit de beaucoup d’électeurs, ne devrait plus l’être… »


Où lit-on ces lignes ? Dans L’Humanité? Dans Politis?


Non : dans Valeurs actuelles, propriété de Dassault fils, plus à droite que Le Figaro magazine. Quand j’ai aperçu cette trahison, mon sang de « Jeune Pop » n’a fait qu’un tour. J’ai décroché le téléphone et contacté la rédaction de Valeurs actuelles, laissé des messages à la rédaction et envoyé un courriel :
« Bonjour. jeune militant de l’UMP, je viens de lire l’éditorial de Stéphane Denis. C’est ce qui s’appelle abandonner le navire en pleine tempête. Nicolas Sarkozy mène une politique courageuse contre vents et marées, il chasse les Roms, il réforme les retraites, il a contre lui les syndicats, la gauche, les droits-de-l’hommistes, et vous, plutôt que de le soutenir dans cette bataille, vous commencez à nous raconter qu’il va perdre, qu’il n’est plus populaire, etc. C’est le moment de se retrousser les manches et de soutenir le capitaine! Pas de pleurnicher !
Un peu déçu par votre attitude, mais cordialement quand même… »
Heureusement qu’on est là, parfois, pour leur remonter les bretelles. L’après-Sarkozy est ouvert, et même cette droite s’y prépare. Comment ? En optant pour la moins pire des solutions, pour le moins terrifiant des socialistes. « DSK, candidat fantôme » affichait en une la même édition de Valeurs actuelles (2 septembre)…

Les socialistes...

A Paris, dans un bistrot à côté de la gare de l’Est, je rapportais cet étonnant édito à un député européen socialiste. Lui revenait d’une session à Strasbourg, ses costumes dans un étui pendus au dos d’une chaise. « Même la droite dure ne croit plus à son candidat, je lui disais, et elle pressent la victoire de la gauche pour 2012. Mais quelle gauche ? – Qu’est-ce qui va se passer ?, il me souriait. On va avoir Pierre Moscovici ou François Hollande à Bercy, au ministère de l’économie, et ils vont mener un plan d’austérité. Ce sont les vieux, les cramés, qui vont revenir, les Lang, les Peillon… Ils se partagent déjà les portefeuilles. Ils se portent candidats aux primaires, mais pas vraiment pour la présidentielle : pour les ministères! Pour se montrer, pour exister et bien se placer dans la course aux maroquins. » J’avais lu ça, déjà, dans une brève du Canard. Notamment que Vincent Peillon lorgnait sur l’éducation. « L’aile gauche, elle, n’est pas mûre, Hamon est trop jeune, il n’est pas pris au sérieux. à la rigueur, ils lui fileront les Affaires sociales, et comme il se retrouvera sans un rond, on sera coincé. Et on perdra au prochain coup ! » On hériterait alors d’une gauche très raisonnable, qui mènerait une politique très raisonnable, sans souffle, sans ambition, avec les félicitations de Bruxelles, du FMI, de Francfort.

A moins que…

La droite prépare l’après-Sarkozy. Les socialistes également, à leur manière. Nous aussi… Certes, nous ne devons pas vendre la peau de cette bête politique avant de l’avoir tuée : l’homme du Fouquet’s a du ressort. Mais au-delà de cette mission, débarrasser la France de cette anomalie, pour nous, le plus difficile – et le plus stimulant – reste à faire : oeuvrer, dans nos syndicats, dans nos partis, dans nos entreprises, dans nos familles, pour qu’une éventuelle victoire
politique de la gauche, ou d’une gauche, débouche sur de véritables conquêtes sociales. Pour que les services publics, l’école et l’hôpital en premier lieu, aujourd’hui sacrifiés, redeviennent des vecteurs d’égalité. Pour que la justice fiscale s’impose, avec des impôts vraiment progressifs. Pour que l’écologie ne soit pas que le supplément l’âme de la croissance. Pour qu’un bras de fer soit entamé avec la Commission européenne, sur la libre circulation des capitaux, l’indépendance de la Banque centrale, la taxe carbone aux frontières, une dose de protectionnisme. Les chantiers à ouvrir sont nombreux, mais ils se ramènent tous à un seul : que notre pays sorte, pour de bon, d’une parenthèse libérale qui s’est ouverte dans les années 80. Et pour cela, de « bonnes idées » ne suffiront pas : il faudra des forces organisées pour l’exiger.


Nous voilà bien sérieux : c’est que l’espoir renaît. Qu’on aperçoit le bout du tunnel sarkozyste. Et que nous reviennent alors des responsabilités. Faire dérailler l’histoire,un peu, ce pouvoir qu’ils se refilent devant un peuple silencieux, résigné.
Au boulot !

Encadré: L’équation politique du moment se résume, pour moi, en trois points.

1)Nous débarasserons-nous de Sarkozy et de sa clique par la rue?

Sauf basculement miracle (mais mieux vaut, etc.), non : qu’elle s’unisse déjà un peu, qu’elle cesse ses divisions stériles, qu’elle constitue un contrepoids à gauche du PS, qu’elle fasse élire quelques députés aux législatives, bref, qu’elle soit à la hauteur de la situation historique, et ce sera déjà énorme. Alors, que ça nous plaise ou non, c’est le candidat socialiste qui, au second tour, représentera l’alternative.

2)La gauche de gauche sera-t-elle en état de l’emporter ?

Sauf basculement miracle (mais mieux vaut, etc.), non : qu’elle s’unisse déjà un peu, qu’elle cesse ses divisions stériles, qu’elle constitue un contrepoids à gauche du PS, qu’elle fasse élire quelques députés aux législatives, bref, qu’elle soit à la hauteur de la situation historique, et ce sera déjà énorme. Alors, que ça nous plaise ou non, c’est le candidat socialiste qui, au second tour, représentera l’alternative.

3)Peut-on compter sur les socialistes?

Sauf illumination miracle (mais mieux vaut, etc.), on ne peut pas trop rêver de ça : que la bande à Aubry non seulement préservera nos acquis, mais nous accordera des conquêtes – sociales et écologiques. 1981, 1997, etc. nous l’ont appris, une élection ne suffit pas. Cette méfiance est générale chez les militants du pays. Alors, dès leur entrée en fonction, la rue – par des grèves, des blocages – devra pousser les ministres aux fesses. Leur mettre, d’entrée, le couteau sous la gorge.


Je n’aperçois guère d’autres chemins vers un mouvement, pas seulement défensif, mais offensif, victorieux. Avec un peu de bonheur à la clé.

(article publié dans Fakir N°48, décembre 2010)

Publié dans On se parle

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