Le bouclier fiscal provoque un jeu de rôles à droite

Publié le par jack palmer



Gênés par les questions et les interrogations d’une partie de leurs électeurs à propos des cadeaux fiscaux faits aux plus riches par temps de crise, certains députés et sénateurs de droite prônent une taxation exceptionnelle des hauts revenus. Mais la majorité UMP défend toujours le bouclier fiscal.
C’est le dossier de l’Humanité, mercredi en kiosques.

S’il est un signe de la fébrilité qui gagne la droite à la veille du 19 mars sur l’ampleur et le sens de la mobilisation dans le pays, l’actuel débat sur le bouclier fiscal en est assurément un. Inventé en 2005 par le premier ministre Dominique de Villepin pour être intégré dans la loi de finances pour 2006, il sanctuarisait déjà 40 % du revenu déclaré des ménages les plus riches contre l’impôt. Ce n’était pas assez aux yeux de Nicolas Sarkozy. Sitôt élu président de la République, il fit, dès l’été 2007, voter par sa majorité une nouvelle loi pour préserver 50 % des revenus des plus riches du moindre prélèvement fiscal. Dominique de Villepin précisait même dans les Échos d’hier que 61 % des revenus des bénéficiaires du fameux bouclier échappent à l’impôt sur le revenu quand on retire la CSG et la CRDS de la somme à déclarer.

Alors que se multiplient les licenciements boursiers en France, le bouclier fiscal apparaît aujourd’hui pour ce qu’il est aux yeux du plus grand nombre : un rétablissement des privilèges en faveur des plus fortunés. Il provoque donc une grande indignation dans le pays. Officiellement, il a été voulu par la droite pour récompenser le mérite des gens « entreprenants ». Concrètement, il permet aux détenteurs de gros patrimoines et dividendes, aux gens qui exercent le pouvoir dans les grandes entreprises et les banques, bref à tous les fortunés, de se servir sans limite en étant assurés de préserver 61 % des sommes dont ils se goinfrent de tout impôt sur le revenu. Les effets du bouclier fiscal se lisent déjà sur la perception des impôts en France. Ainsi, le nombre des contribuables français qui acquittent l’impôt sur la fortune a augmenté de 7,2 % en 2008 par rapport à 2007. Mais l’apport de cet impôt pour les caisses de l’État a diminué de 200 millions d’euros, passant de 4 milliards à 3,8 milliards.

Cette décision française est intervenue au moment où la crise économique mondiale, nourrie par les abus de la sphère financière, mettait en exergue les revenus mirobolants des pontes de la finance et des hauts dirigeants des entreprises cotées en Bourse. Le bouclier fiscal favorise surtout l’appât du gain à court terme. Il fait du bilan financier de l’exercice en cours la boussole de décideurs économiques et financiers, soucieux avant tout de leurs propres intérêts, contre ceux de leurs salariés et contre les intérêts à long terme des entreprises qu’ils dirigent. S’agissant des heures supplémentaires exonérées chères à Nicolas Sarkozy, le bilan est celui d’une perte de 4,3 milliards d’euros pour les caisses publiques, dont 4,1 milliards d’exonérations de charges sociales.

Hier, les Échos, le journal proche des milieux d’affaires, indiquaient qu’une réduction d’impôts n’avait touché « que » 13 998 contribuables au titre de l’année 2008, à hauteur de 458 millions d’euros, soit un chèque moyen de 33 000 euros par foyer, tandis que 2 500 dossiers sont encore en cours d’examen. Mais ces chiffres relèvent de l’entourloupe. Ces ménages ont encaissé la différence d’impôt entre le bouclier fiscal de Villlepin et celui de Sarkozy, qui leur est beaucoup plus favorable. D’où la proposition de Villepin pour un retour à la sanctuarisation de 40 % du revenu contre tout impôt, car « le travail doit être récompensé », dit-il aux Échos, qui, embarrassés, précisaient que ce niveau moyen « implique des restitutions plus importantes pour les plus riches ».

Les propos de Dominique de Villepin confirment que la droite cultive ses différences dans la parole pour mieux préparer le terrain en faveur d’une accentuation de la pression fiscale sur les couches populaires et les classes moyennes. Pour 2009, le déficit budgétaire a été annoncé à hauteur de 103,8 milliards d’euros, soit 5,6 % du produit intérieur brut. Cette annonce a été faite avant celle de la baisse de la TVA en 2010 dans la restauration, avec quelques milliards en moins pour les caisses de l’État. Tout cela ne va pas sans frapper l’opinion (lire ci-dessous), et désormais jusqu’au cœur de l’électorat traditionnel de la droite. Alors, de Pierre Méhaignerie, qui suggère une taxe exceptionnelle sur les foyers déclarant plus de 300 000 euros de revenus, à Gérard Larcher, quelques députés et sénateurs de droite jouent leur petite partition fiscale à propos des plus riches.

En déplacement mardi dans le Doubs, Nicolas Sarkozy a défendu le bouclier fiscal avec les arguments de celui qui ne sait rien refuser aux nantis : « Je ne veux pas enrichir Monaco, moi. Je ne veux pas enrichir la Suisse, je ne veux pas enrichir l’Autriche. Je veux que les gens viennent dépenser leur argent en France et investir en France. » Plus tôt le matin, le ministre du Budget, Éric Woerth, avait déclaré sur Europe 1 : « Le bouclier fiscal est une mesure de justice fiscale (…). Le bouclier fiscal, c’est dire aux Français qu’ils ne travailleront pas plus d’un jour sur deux pour l’État. Ce sont des Français qui paient beaucoup d’impôts et il est logique que, dans l’impôt, il y ait un plafonnement. » À ces piètres arguments, le ministre du Budget aurait pu en ajouter un autre du même niveau. Des indiscrétions parues récemment dans la presse ont révélé que l’épouse du ministre est spécialisée dans la gestion des patrimoines de gens fortunés. Le maintien du bouclier fiscal devrait lui amener de nouveaux clients.

Gérard Le Puill

Publié dans Plan de relance du PCF

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